Gantry 5

 

N° 896 23/10/2024  Lors du vote à l’ONU en novembre 1947 du plan de partage de la Palestine et lors de la guerre de 48-49 opposant les pays arabes et le nouvel état d’Israël, le peuple palestinien n’était pas organisé en tant que tel pour s’opposer à cette décision illégitime, d’où le nom dans les médias dominants de « guerre israélo-arabe ». En réalité, et nous l’avons déjà précisé en fin de la seconde partie de cette étude, « deux guerres, non une seule, ont lieu en 1948, la première s’étant achevée le 15 mai 1948 par l’expulsion des Palestiniens et la naissance de l’Etat d’Israël à leur place, une seconde opposera ce dernier aux armées arabes des pays voisins[1] ». A l’issue de cette première guerre arabo-sioniste, le peuple palestinien se trouve dans une situation critique : la Cisjordanie a été occupée et annexée par la Transjordanie devenue le royaume hachémite de Jordanie, Gaza est occupé et administré par l’Egypte, la population palestinienne restée en Israël et accrochée à sa terre natale est marginalisée et subit une politique d’apartheid, la Nakba a provoqué l’exil de centaines de milliers de palestiniens dans des camps à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie, au Liban.
Nous avons déjà dit, dans la seconde partie de cette étude, que l’ONU, face à la question des réfugiés palestiniens, avait adopté en décembre 1948 la résolution N° 194[2] prévoyant le retour des réfugiés dans leurs foyers. L’état d’Israël a signé cette résolution lui permettant ainsi d’être admis à l’ONU par la résolution 273 adoptée le 11 mai 1949, « notant que, de l’avis du Conseil de Sécurité, Israël est un état pacifique capable de remplir les obligations de la Charte et disposé à le faire…. Et prenant acte, en outre, de la déclaration par laquelle l’état d’Israël accepte sans réserve aucune les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et s’engage à les observer du jour où il deviendra Membre des Nations Unies ». Toutes ces déclarations sont une illustration de l’attitude des pays représentés alors à l’ONU qui n’imposent pas le respect des frontières précisées lors du vote de l’ONU, ni le retour des réfugiés. Duplicité ? Quant à l’état d’Israël, il n’a pas à l’époque respecté les résolutions successives de l’ONU, comme ce sera le cas jusqu’à aujourd’hui…
Le comble  de la mauvaise foi des pays représentés à l’ONU, c’est la décision en décembre 1949 par l’Assemblée Générale, sans les voix de l’URSS et des pays de démocratie populaire, de la création de l’UNRWA, Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient visant dans les faits à entériner le non-retour des réfugiés comme aussi à calmer l’opposition des dirigeants et des peuples de la région révoltés par la situation imposée aux réfugiés palestiniens. Cet office prend la suite de l’agence chargée de procurer les premiers secours aux réfugiés (ANURP, Aide des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine), mise en place en décembre 1948. Selon les chiffres fournis par la mission d’étude économique des Nations Unies, en septembre 1949, le nombre de réfugiés palestiniens s’élève à 651.000 personnes (Cisjordanie : 280.000 ; Gaza : 200.000 ;  Syrie : 75.000 ; Transjordanie : 70.000 ; Irak : 4.000). En 1950, le nombre de réfugiés enregistrés auprès de l’UNRWA s’élève à 750.000.
La création de l’UNRWA correspondait à une demande explicite des USA pour soulager Israël du poids des réfugiés, pour être une alternative à la résolution 194 concernant le retour des réfugiés, et mettre l’accent sur l’intégration des Palestiniens dans les pays « hôtes ». Les USA ont laissé l’URSS totalement en dehors de cette question ; cette assistance humanitaire est, dans les faits, un bouclier anticommuniste visant à exclure l’URSS des discussions avec les pays arabes de la région ; l’argent aidant, il s’agira d’un instrument visant la stabilité des pays arabes. Face à cette action des USA, l’URSS, comme les pays de démocratie populaire, refuseront de participer au financement de l’URWA dont la contribution principale et de loin sera celle des USA. Quant à Israël, dans cette première phase d’existence de l’UNRWA, il sera d’accord avec cette mise en place de l’agence dans la mesure où une baisse de la pression des réfugiés est attendue et que l’UNRWA représente une alternative au retour des réfugiés. L’analyse de l’UNRWA montre son caractère contradictoire : d’une part, il s’agit d’un soutien matériel indispensable pour la survie des réfugiés palestiniens ; cela permettra en outre de scolariser une jeunesse qui n’avait pas accès à l’éducation, et cela sera le creuset de la formation de la nouvelle génération palestinienne. Cette concentration de population vivant les mêmes conditions de réfugiés forgera la conscience du peuple palestinien. Mais d’autre part, la mise en place de l’UNRWA vise à geler la question des réfugiés, à mouiller la mèche de cette question explosive. Cette question des réfugiés palestiniens suite à la Nakba sera une épine dans les pieds d’Israël, des USA et aussi des pays arabes de la région. « C’est là que va grandir la génération de la Nakba, dans la nostalgie d’un monde perdu et la volonté de se battre pour le reconquérir[3] ». Les camps de réfugiés gérés par l’UNRWA seront surtout le foyer d’où sortira le mouvement palestinien de libération nationale.
Début des années 50, la situation en Palestine issue de la guerre de 48-49 convient aux puissances impérialistes, USA, Grande-Bretagne, France. Ainsi, en mai 1950, les ministres des Affaires étrangères de ces trois pays se réunissent pour décider un gel de la situation, levant l’interdiction officielle de fournir des armes aux pays de la région et s’opposant à toute action considérée comme agressive. Israël, Jordanie et Egypte acceptent cette décision qui revient, dans les faits, à reconnaitre les frontières d’Israël gagnées par la guerre, l’absorption de la Cisjordanie par le royaume hachémite de Jordanie et l’administration de la bande de Gaza par l’Egypte.
En 1950, la situation dans tous les pays de la région est explosive. Les peuples arabes de la région sont traumatisés par cette défaite et ciblent pour leur mécontentement leurs propres dirigeants et aussi les pays capitalistes occidentaux. Quant au peuple palestinien, éclaté en plusieurs morceaux, il cherche à panser ses plaies et à comprendre les causes de cette nouvelle situation. Dans un premier temps, les révoltes sont spontanées et non dirigées par une direction nationale. Début et milieu des années 50, des actions de guérilla contre l’occupation sioniste sont menées à partir des camps en Cisjordanie, à Gaza, provoquant à chaque fois une répression féroce de l’armée sioniste. Ainsi par exemple, pour répondre aux harcèlements par des réfugiés en Cisjordanie (absorbée par la Jordanie),  malgré le fait que la Légion Arabe de Glubb Pacha empêche toute action contre des implantations israéliennes de kibboutz dans le Néguev, l’armée israélienne en 1953 détruit le village de Qibya. A partir de 1954, de Gaza, les « Volontaires de la mort », groupes armés rassemblant des palestiniens et des égyptiens lancent des incursions en Israël qui entrainent des destructions d’infrastructures militaires égyptiennes dans le Sinaï.
 
L’intervention de l’ONU en Corée et Israël
Les évènements internationaux permettent aussi de clarifier les positions de chaque gouvernement de la région. Lors du déclanchement de la guerre de Corée lancée par les USA début des années 50 sous le drapeau usurpé de l’ONU, pour contenir les progrès du socialisme dans la péninsule de Corée, les pays arabes et la Turquie s’engagent aux côtés de l’impérialisme occidental, à l’exception de l’Egypte qui adopte une attitude ambigüe. Le gouvernement d’Israël s’engage aux côtés des USA en fournissant une aide médicale, montrant ainsi son alignement et sa dépendance vis-à-vis des USA.
L’URSS a réclamé que le siège de la Chine à l’ONU soit attribué à la  République Populaire de Chine, suite à la victoire de la révolution et du fait que le Kouomintang ne contrôlait plus qu’une infime partie du territoire, Taiwan. Cette résolution fut rejetée par l’ONU. En conséquence, l’URSS a décidé, milieu janvier 1950, le boycott du Conseil de Sécurité, la chaise vide. Les USA ont profité de cette absence et, au nom d’une interprétation frauduleuse du règlement, ont fait voter une intervention militaire en Corée avec le drapeau de l’ONU ; ce qui a été une « couverture légale » à cette intervention. Ainsi une position juste de l’URSS à propos de l’admission de la nouvelle Chine a été suivie d’une erreur tactique, une mauvaise appréciation de la situation à l’ONU, car un véto de l’URSS au Conseil de sécurité aurait privé les USA de cette couverture, même si l’intervention militaire des USA aurait eu lieu de toutes les façons. L’URSS a repris sa place à l’ONU le 1er août 1950, mais c’était trop tard !
 
Palestine et Syrie :
La Syrie est un des pays de la région qui connait une situation très instable après la défaite de 49, un mouvement populaire actif, et une succession de coups d’état. Plusieurs criminels nazis trouveront en Syrie une première terre d’accueil avant de partir en Amérique du Sud considérée comme plus « sûre »… Les USA comme la Grande-Bretagne sont à la manœuvre. Ainsi, les USA proposent aux dirigeants de la Syrie en 1952, en contrepartie de la signature d’un traité de paix avec Israël et l’installation de 500.000 réfugiés palestiniens, une somme de 400 millions de dollars. Cette proposition qui représente une vente pure et simple du droit au retour des palestiniens est rejetée par les palestiniens comme par les partis nationalistes syriens. Le résultat sera un nouveau coup d’état en Syrie et le refus de la Syrie de s’engager dans le pacte de Bagdad.
 
Palestine et la conférence Afro-Asiatique de Bandoeng 
La fin de la seconde guerre mondiale est marquée par un essor du mouvement de libération des peuples et pays colonisés, mouvement renforcé par la victoire de la révolution chinoise en 1949. Dans cette situation internationale caractérisée par une lutte frontale entre le camp impérialiste et le camp socialiste, les dirigeants des nouveaux pays indépendants doivent faire un choix quant à l’orientation du modèle de développement politique et économique. Fondamentalement, la totalité de ces dirigeants, exceptés ceux de Chine et du Vietnam du Nord socialistes,  souhaitent un développement qui se voudrait « autre ». C’est cet objectif qui guide les dirigeants de Birmanie, de Ceylan, de l’Inde, de l'Indonésie et du Pakistan qui sont à l’origine de l’organisation de la Conférence des Nations Afro-Asiatiques qui se réunit à Bandoeng du 18 au 24 avril 1955. Dans une certaine mesure, il est possible de considérer que Bandoeng fait suite au congrès de Bruxelles tenu en février 1927. Mais ce dernier, rassemblant des délégués de pays indépendants et d’organisations luttant pour l’indépendance, appelle à lutter contre l’oppression capitaliste et impérialiste et à « l’établissement d’une organisation mondiale permanente regroupant toutes les forces contre l’impérialisme et l’oppression coloniale »[4]. L’influence de l’Internationale Communiste est décisive, ce qui conduit l’Internationale socialiste ouvrière (ISO) à condamner le congrès de Bruxelles comme étant une manipulation communiste. Rappelons que le congrès de Bruxelles fait suite au « Premier congrès des peuples de l’Orient » tenu à l’appel de l’Internationale Communiste à Bakou en septembre 1920 dans une atmosphère enthousiaste d’après le compte-rendu sténographique[5].
A Bandoeng, 29 pays sont invités et représentés, 23 d’Asie et 6 d’Afrique. Sans entrer dans une analyse fine, il est possible de dire que cette conférence rassemble un bloc pro-occidental avec des pays membres de l’OTAN, de l’OTASE et du pacte de Bagdad, deux pays socialistes  et des pays qui se présentent comme « neutres », « non engagés ». Malgré plusieurs demandes dont celle de la Chine Populaire, l’URSS n’est pas invitée, ni la République de Mongolie. Les deux Corées non plus. Les pays capitalistes occidentaux sont évidemment dans les coulisses. La résolution finale, inspirée par le Premier ministre indien Nehru sera marquée par le neutralisme, un appel à une troisième voie pour les pays du «Tiers monde » ; cette orientation permettra de mouiller la mèche du danger de révolutions socialistes et permettra le développement de bourgeoisies nationales qui chercheront l’appui du camp impérialiste pour faire face aux revendications des peuples. Bandoeng forme un tout avec ses aspects positifs et ses aspects négatifs. C’est la lutte des peuples qui décidera des suites.
Les trois délégations Maroc (Istiqlal), Tunisie (Néo-Destour) et Algérie (FLN) n’auront pas d’orateurs à la tribune puisque ces pays ne sont pas indépendants. Mais ils constituent une délégation unique, la délégation Nord-Africaine, internationalisant la question algérienne, et obtenant ainsi par un travail important « de couloirs », dans le paragraphe intitulé « Problèmes des peuples dépendants »,  que la résolution soit précise: « En ce qui concerne la situation instable en Afrique du Nord et le refus persistant d’accorder aux peuples d’Afrique du Nord leurs droits de disposer d’eux-mêmes, la Conférence afro-asiatique déclare appuyer les droits des peuples d’Algérie, du Maroc et de Tunisie à disposer d’eux-mêmes et à être indépendants, et elle presse le gouvernement français d’aboutir sans retard à une solution pacifique de cette question ». Bien qu’il faille relever qu’il n’est pas question du soutien à la lutte armée du FLN pour l’indépendance de l’Algérie.
Quant à la question palestinienne, bien que l’ancien grand mufti de Jérusalem Haj Amin el Husseini faisait partie de la représentation du Yémen sans droit à la parole, que le représentant de l’Egypte, Nasser, et celui d’Irak, Mohammed Fadhel Jamali, aient dénoncé le sionisme, (ce dernier s’étant distingué, après avoir condamné le sionisme et le colonialisme, à dénoncer le communisme comme la troisième grande force du malheur !), cette question de la Palestine est reléguée dans le paragraphe « Droits de l'Homme et auto-détermination ». La résolution est très prudente, ne dénonce pas le sionisme  comme colonialisme de remplacement et les droits du peuple palestinien sont bien ambigus : « Considérant la tension existant au Moyen-Orient, tension qui est causée par la situation en Palestine, et considérant le danger que cette tension constitue pour la paix mondiale, la Conférence afro-asiatique déclare appuyer les droits du peuple arabe de Palestine et demande l'application des résolutions des Nations Unies sur la Palestine et la réalisation d'une solution pacifique du problème palestinien ». Et il faut noter que plusieurs pays de la région sont présents à Bandoeng, en particulier l’Egypte et la Jordanie qui administre Gaza pour l’un et a annexé la Cisjordanie pour l’autre. Nous avons déjà dit que cette situation, résultat de la guerre de 48-49 revient à nier l’existence du peuple palestinien. Bandoeng et ses résultats ne prenant pas en compte les droits et les intérêts du peuple palestinien seront médités par le peuple palestinien afin de déterminer la ligne à adopter pour être reconnu en tant que tel.
 
Egypte, Moyen-Orient et Impérialisme occidental 
Après la Syrie, c’est l’Egypte qui est le pays le plus ébranlé par la guerre de 49. « Les officiers libres » organisent un coup d’état en juillet 1952, prenant la place du roi Farouk. Ce processus débouche par la prise du pouvoir par Nasser en novembre 1954. La fin de la période de domination de la Grande-Bretagne et l’affirmation d’un sentiment national animent un fort mouvement populaire. Portés par ces revendications, les « officiers libres » veulent nationaliser le Canal de Suez et demandent aux USA des crédits pour la construction d’un grand projet, le barrage d’Assouan. Les USA trainent les pieds en considérant les initiatives des dirigeants égyptiens ; de ce fait, Nasser se tourne vers l’URSS, prolongeant l’accord du 27 septembre 1955 pour la fourniture d’armes soviétiques par la Tchécoslovaquie.
Depuis 1952, une série d’évènements conduisent l’impérialisme occidental, et en premier lieu la Grande-Bretagne et la France à décider de mettre un terme à cette « expérience » égyptienne.
Une chronologie de cette période 1951-1956 permet de comprendre les enchainements, les décisions prises par différents pays et le déclanchement le 29 octobre 1956 de la « seconde guerre arabo-sioniste », appelée aussi par les médias « la crise de Suez », par la Grande-Bretagne et la France,  «l’Opération Mousquetaire », et par l’état d’Israël « l’Opération Kadesh » : 
28.04.1951 : Le gouvernement nationaliste de Mohammed Mossadegh en Iran nationalise l'Anglo-Iranian Oil Company.
21.07.1952 : Coup d'État en Égypte. Le général Mohammed Néguib prend le pouvoir à la tête des Officiers libres.
22.10.1952 : L'Iran rompt les relations diplomatiques avec le Royaume-Uni.
12.02.1953 : Accord entre l'Égypte et le Royaume-Uni qui limite l'administration britannique au Soudan à trois ans.
18.06.1953 : Proclamation de la République d'Égypte. Le général Néguib devient président.
19.08.1953 : Coup d’état organisé en Iran par les USA et la Grande-Bretagne renversant le gouvernement de Mossadegh
27.07.1954 : Accord anglo-égyptien: le Royaume-Uni s'engage à évacuer l'Égypte dans les vingt mois à venir.
14.11.1954 : Le colonel Gamal Abdel Nasser écarte le général Néguib du pouvoir.
04.01.1955 : Nasser ferme le canal de Suez aux navires israéliens.
24.02.1955 : Signature du pacte de Bagdad entre l'Irak et la Turquie. Le Royaume-Uni (30.03.1955), le Pakistan (23.09.1955) et l'Iran (03.11.1955) y adhèrent plus tard. Les USA sont à la manœuvre et réalisent que la Ligue Arabe présente des failles du côté de la Syrie et de l’Egypte. Ce pacte vise à mobiliser les pays de la région pour encercler l’URSS. Un pacte faisant le pendant de l’OTAN.
02.03.1955 : En réaction à la signature du pacte de Bagdad, l'Égypte et la Syrie signent un accord de coopération militaire et économique. Cet accord sera prolongé par un pacte militaire entre l’Egypte, la Syrie et l’Arabie saoudite en octobre 1955, auquel le Yémen se joint en avril 1956. Malgré ce pacte militaire, ces pays se garderont de soutenir l’Egypte lors de l’agression d’Israël en octobre 1956.
18.06.1955 : Les troupes britanniques évacuent Suez, un an avant ce que les accords prévoyaient.
27.09.1955 : Signature d'un accord entre l'Égypte et la Tchécoslovaquie sur l'achat d'armes.
17.10.1955 : L'Égypte et les États-Unis entament la discussion sur le financement du barrage d'Assouan.
01.01.1956 : Indépendance du Soudan.
05.04.1956 : Début des incidents entre troupes égyptiennes et israéliennes.
13.06.1956 : Retrait des troupes britanniques de l'Égypte.
27.06.1956 : La France décide des livraisons d'armes à Israël. Cette coopération militaire est ancienne et a démarré dès 1954 avec Mendes-France. Cette coopération s’approfondit en 1955, puis en 1956 avec Guy Mollet ; le gouvernement français apporte une aide substantielle à l’entité sioniste en la dotant d’une centrale nucléaire à Dimona au sud de la Palestine dans l’objectif de consolider de façon durable et irréversible le rapport des forces militaires en sa faveur. Cette centrale sera approvisionnée en uranium enrichi par les USA et l’Afrique du Sud.
19.07.1956 : Les États-Unis annoncent qu'ils ne financeront pas le barrage d'Assouan compte-tenu de la politique impulsée par Nasser.
26.07.1956 : Nationalisation de la Compagnie du canal de Suez par Nasser, nationalisation qui souleva un très grand enthousiasme du peuple égyptien. Les avoirs britanniques et français furent saisis.
22.08.1956 : Échec de la conférence de Londres sur le canal de Suez.
24.10.1956 : Accords de Sèvres. La France, le Royaume-Uni et Israël signent un accord secret dirigé contre l'Égypte.
 
Seconde guerre arabo-sioniste : la crise de Suez, 29 octobre 1956
La première guerre arabo-sioniste éclata le lendemain de la proclamation de l’indépendance d’Israël le 15 mai 1948, les armées arabes du Liban, de la Syrie, de l’Irak, de la Transjordanie et de l’Egypte, pays refusant la partition de la Palestine décidée par l’ONU. La seconde guerre arabo-impérialo-sioniste est déclenchée le 29 octobre 1956 contre l’Egypte pour s’opposer à la nationalisation du canal de Suez.
Pourquoi Israël a décidé de se saisir de l’opportunité  des contradictions entre l’Egypte et l’association Grande-Bretagne - France pour se joindre à cette coalition et agresser l’Egypte ?
Dès la fin de la guerre de 49, les conflits entre d’une part les réfugiés palestiniens et l’Egypte et d’autre part Israël ont éclaté et sont devenus plus importants. Israël prend immédiatement des mesures pour interdire et réprimer toute tentative de retour des réfugiés palestiniens dans leurs villages d’origine.
14 mars 1950 : loi sioniste sur les propriétaires « absents » qui permet la saisie des biens de toute personne absente, c’est-à-dire de tout palestinien qui a quitté sa résidence pendant la guerre quelle que soit la raison.
26 août 1952 : loi sur l’entrée en Israël permettant la déportation des réfugiés palestiniens qui tenteraient de revenir dans leur patrie.
28 août 1953 : répression contre les retours afin d’éliminer l’idée de résistance et contre les actions des réfugiés appelés « infiltrés » : raid de l’armée israélienne (unité 101 dirigée par Ariel Sharon) contre le camp de al-Bureij dans la bande de Gaza  et massacre de 43 personnes dans leurs lits.
 14 octobre 1953 : raid de l’armée israélienne contre le village de Qibya en Cisjordanie.
1954 et 1955 : nombreuses actions de guérilla depuis Gaza. En août 1955, les forces israéliennes, dirigées à nouveau par Ariel Sharon, ont fait exploser le poste de police de Khan Younis, tuant 74 policiers. La même année, les Israéliens ont tué 37 soldats égyptiens dans la gare ferroviaire de Gaza et 28 autres personnes qui se préparaient à les défendre.
1953-1955 : la question des réfugiés palestiniens est une préoccupation constante des USA, qui, après la tentative avortée avec la Syrie, essaient de favoriser la réinstallation de ces réfugiés dans des pays arabes. Ainsi l’UNRWA signe en 1953 des accords avec la Jordanie et l’Egypte prévoyant la réinstallation de 200.000 réfugiés de Jordanie et de Gaza dans la vallée du Yarmouk et dans le Sinaï respectivement[6]. Mais le « droit du retour » pour les palestiniens est soutenu par tous les mouvements d’opposition dans la région, baathiste, islamiste, communiste, et face aux émeutes qui secouent la Jordanie et Gaza en 1955, ces projets sont enterrés par Nasser et le roi de Jordanie alors que ces accords avaient été signés par eux deux ans plus tôt.
28 février 1955 : attaque par l’armée israélienne d’un camp militaire égyptien de Gaza. En réaction, l’Egypte crée un bataillon dans lequel s’engagent des centaines de combattants palestiniens ; les fedayin commencent les opérations militaires en septembre 1955
Cette situation de conflit entre l’Egypte et les réfugiés palestiniens à Gaza avec Israël, et les objectifs des anciennes puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne, tous ces éléments expliquent les bases de la coalition Israël + Grande-Bretagne + France contre l’Egypte, coalition nouée comme nous l’avons dit à Sèvres le 24 octobre 1956. Chaque pays poursuit des objectifs propres bien que liés : la Grande-Bretagne cherche à conserver ses intérêts impérialistes en Egypte attaqués par les Officiers libres qui ont renversé le roi Farouk. La France veut, comme la Grande-Bretagne maintenir ses intérêts dans l’exploitation du canal de Suez. Mais surtout, la France pense ainsi attaquer et affaiblir  le Front de Libération Nationale (FLN) qui mène la guerre pour l’indépendance de l’Algérie et reçoit une aide du pouvoir égyptien.
Quant à Israël, les objectifs de l’ « opération Kadesh », opération militaire dans le Sinaï sont multiples :
  Détruire les bases des combattants arabes (les Fédayins) se trouvant à la fois dans la bande de Gaza et le long de la frontière égyptienne du Sinaï.
  Réouvrir l'accès du Golfe d'Akaba aux bateaux israéliens qui subissent un blocus égyptien leur interdisant l'accès à la Mer rouge.
  Détruire les infrastructures égyptiennes dans le Sinaï, notamment les aéroports et les autres complexes pouvant servir la logistique égyptienne pour mener une attaque contre Israël.
Afin de terroriser les palestiniens vivants à l’intérieur d’Israël et obtenir le calme durant l’opération dans le Sinaï, Israël provoque le 29 octobre le massacre de Kafr Qassem, village en Galilée, (49 civils massacrés) en même temps que l’armée israélienne envahit le Sinaï.
Selon l’accord secret Grande-Bretagne-France-Israël, la Grande-Bretagne et la France lancent le 30 octobre un ultimatum à l’Egypte et à Israël et des troupes britanniques débarquent le 31 octobre soi-disant pour « protéger » le canal de Suez. Israël apparait ainsi clairement comme la base de l’impérialisme franco-britannique contre le peuple palestinien et les peuples arabes.
06.11.1956 : Débarquement de troupes franco-britanniques à Port Saïd. Début de l'opération « Mousquetaire ». Le pouvoir égyptien, défait militairement, distribua, malgré tout, 200.000 armes au peuple pour faire face à l’agression. Cette menace potentielle d’une radicalisation du mouvement populaire égyptien a décidé les USA d’intervenir afin de mettre un terme à cette crise. La solidarité arabe se limita à la destruction  par l’armée syrienne de stations de pompage du pipe-line de l’IPC (Iraq Petroleum Compagny) transportant le pétrole de Kirkouk (Irak) à Banias (Syrie) et à Tripoli (nord du Liban) et traversant la Syrie.
Cette occupation de Gaza par l’armée israélienne a été aussi mise à profit par Israël pour poursuivre l’élimination physique de la population palestinienne réfugiée à Gaza après la Nakba : les soldats israéliens sont entrés à Khan Younis le 3 novembre 1956 et ont rassemblé tous les mâles âgés de 15 à 50 ans devant leur domicile pour les abattre de sang-froid devant leur porte ou contre un mur de la place principale de la ville. Les noms des 520 personnes tuées ont été répertoriés. La semaine suivante, un autre massacre de réfugiés a eu lieu à Rafah[7].
La défaite de l’armée égyptienne est totale et catastrophique, au point de remettre en cause l’action entreprise par les Officiers libres en Egypte. Tout le Sinaï est occupé par l’armée israélienne ainsi que la bande de Gaza. Le canal de Suez est occupé par les armées franco-britanniques.
Face à cette situation, l’URSS adresse une mise en garde à Israël, un ultimatum, Israël devant se replier sur ses frontières de 1949 et la Grande-Bretagne et la France quitter l’Egypte. Cet ultimatum est assorti d’une menace nucléaire. Les USA, jusque-là relativement passifs, font pression sur ses alliés britanniques et français pour stopper l’aventure et l’expédition de Suez se dégonflera piteusement pour la France et la Grande-Bretagne qui perdront irrémédiablement leurs positions impérialistes dans la région, position assumée dorénavant totalement par les USA.
Pour mettre un terme à l’agression Grande-Bretagne-France et Israël contre l’Egypte et pour répondre à l’ultimatum de l’URSS, relayé par les USA afin que les intérêts occidentaux ne soient mis en cause, l’Assemblée Générale de l’ONU exige dès le 2 novembre 1956 un cessez-le-feu et décide le 4 novembre 1956 par la résolution 998[8] la mise en place d’une force d’urgence, la FUNU (Force d’Urgence des Nations Unies) installée uniquement du côté égyptien, les fameux « casques bleus », force qui comprendra plusieurs milliers d’hommes. Les négociations sont longues ; et si les forces militaires britanniques et françaises se sont retirées en décembre 1956, le retrait israélien a été beaucoup plus lent. Ce retrait n’est devenu effectif qu’en mars 1957 pour la zone de Charm-el-Cheikh et la bande de Gaza, après avoir obtenu les garanties du déploiement de la force de l’ONU pour assurer l’accès du port d’Eilat par les navires, et l’administration de Gaza par cette force de l’ONU[9].
Ainsi, les casques bleus occupent les territoires égyptiens évacués par Israël, après que l’armée sioniste ait détruit toutes les installations militaires égyptiennes dans le Sinaï. Et ces casques bleus sont positionnés à la frontière entre Gaza et Israël, à charge pour cette force d’empêcher toute incursion palestinienne en Israël !
Le canal de Suez, sous administration égyptienne, sera rouvert à la navigation le 8 avril 1957.
 
Les conséquences de cette seconde guerre arabo-sioniste :
Il faut d’abord relever, en mettant de côté les intérêts de la Grande-Bretagne et de la France ayant conduit ces anciennes puissances coloniales à intervenir contre l’Egypte et sa politique de remise en cause  d’intérêts impérialistes, que l’action d’Israël a été totalement déterminée par le harcèlement  par des réfugiés palestiniens de Gaza soutenus par l’Egypte. Mais le peuple palestinien de Gaza n’était pas encore organisé pour faire face à une telle attaque militaire.
Cette « aventure de Suez » a sonné la fin des colonialismes britannique et français sous leur forme ancienne et ont perdu tout crédit auprès des peuples de la région, même si les dirigeants de ces pays ont continué à chercher auprès d’eux aide et soutien, bien que dorénavant les choses sont claires : c’est l’impérialisme US qui est le chef, le guide.
Les accords de l’ONU pour résoudre la « crise de Suez » précisent le retrait d’Israël du Sinaï, et Gaza est de nouveau sous « occupation-administration » de l’Egypte. Israël revient donc derrière ses frontières de 1949, ce qui revient en fait à entériner à l’échelle internationale les frontières d’Israël gagnées par la guerre de 49. Mais Israël a obtenu la mise en place d’une force militaire de l’ONU, les fameux casques bleus, basés en Egypte à la frontière avec Israël, rendant ainsi très difficile l’action des militants palestiniens contre l’occupation de leur patrie. Cette force de l’ONU est positionnée aussi  le long de la côte du golfe d’Akaba assurant ainsi la libre circulation dans le détroit de Tiran jusqu’au port israélien d’Eilat. Enfin, Israël tirera de cet épisode une réputation d’efficacité militaire dont devront tenir compte les pays arabes de la région.
L’Egypte et les Officiers libres, malgré la déroute militaire furent sauvés par l’URSS et approfondirent la politique de développement national. L’URSS fut considérée comme la grande amie et le meilleur soutien des pays et peuples arabes. Le mouvement national palestinien en formation tirera aussi les leçons de cet épisode pour s’organiser de façon autonome et redoubler les actions contre Israël. Mais les intérêts des pays occidentaux, comme ceux de l’Egypte regardant toujours à l’Ouest, ont fait que, bien que l’URSS ait stoppé l’aventure de Suez, celle-ci n’a pas été en mesure de peser sur la solution mise en place par ces pays par l’intermédiaire de l’ONU, et la cause du peuple palestinien est absente du compromis mis en place. La création d’un État Palestinien, même dans le cadre de la partition de la Palestine historique, n’est pas imposée, ni même abordée.
Une autre conséquence de cette seconde guerre arabo-sioniste a été la situation des juifs vivant dans les pays arabes et musulmans de la région. Jusqu’à 1956, l’émigration juive de ces pays vers la Palestine, puis Israël, avait été marginale, malgré le travail très important de l’agence sioniste mondiale. Tout en regardant de façon sympathique cette colonisation, ces communautés juives installées depuis toujours dans ces pays du Moyen-Orient vivaient sans grands problèmes et considéraient aussi cette colonisation comme une affaire concernant plutôt les juifs d’Europe. Mais après cette guerre de Suez, les dirigeants des pays arabes,  afin de détourner la colère de leurs peuples, ont ciblé les juifs de leurs pays comme une cinquième colonne responsable de la débâcle ; les opinions publiques des pays arabes ont été amenées à considérer que tous les juifs étaient responsables du sort de la Palestine, que tous les juifs étaient sionistes. Les dirigeants de ces pays ont pris des mesures d’expulsion des juifs qui pour la plupart sont partis s’établir en Israël. Les dirigeants d’Israël les ont accueillis, voyant ainsi un apport supplémentaire de population juive permettant de renforcer le projet sioniste de colonisation de la Palestine. Ces juifs des pays arabes ont subi un racisme des « juifs européens » qui constituaient les milieux dirigeants du pays.
Le cas de l’émigration des juifs d’Egypte, communauté d’environ 75.000 personnes et vivant dans le pays depuis plus de vingt-cinq siècles, et qui pour diverses raisons avait un niveau de vie plus élevé que dans les autres pays arabes, est intéressant à considérer, montrant que le projet sioniste ne correspondait pas à l’époque aux aspirations des juifs d’Egypte. Les autorités égyptiennes, en particulier les religieux, ayant affirmé que tous les juifs sont des sionistes et des ennemis de l’Etat, décident leur expulsion avec possibilité d’emmener une seule valise après avoir « fait don » de leurs biens au gouvernement égyptien. La moitié seulement se réfugient en Israël, l’autre moitié se partageant entre la France, le Brésil, les Etats-Unis, l’Argentine.
 
Cette guerre arabo-sioniste de Suez et le soutien de l’URSS à l’Egypte, malgré la défaite militaire, eurent comme conséquence principale un renforcement du mouvement populaire en Egypte et dans tous les pays de la région contre l’impérialisme occidental, un souhait d’un rapprochement avec l’URSS et le camp socialiste ainsi qu’avec les pays afro-asiatiques.
La cause de la Palestine et les contradictions qui en découlent expliquent les développements dans les pays de la région.
Ainsi en Syrie, un essor révolutionnaire porte au pouvoir un front populaire qui renforce son influence au sein des forces armées. Face à ce mouvement et aux manigances occidentales relayées par la Turquie, agent des intérêts US dans la région, les dirigeants de Syrie et Nasser décident la fusion en 1958 des deux pays pour former la République Arabe Unie (RAU). Cette union, bien que soutenue par les peuples de ces deux pays qui en attendent une politique d’indépendance nationale face au sionisme et à l’impérialisme occidental, est une union au sommet qui rapidement montrera ses limites. Nasser avait interdit tous les partis politiques en Egypte. Cette mesure fut étendue à la RAU et de ce fait, bien que cette union fût soutenue par l’URSS, la première mesure fut l’interdiction du parti communiste syrien, faisant suite à celle du parti communiste égyptien. Ainsi, alors que le camp socialiste soutient ce mouvement dans les pays arabes, les partis communistes sont interdits; une partie des dirigeants du PCSyrien fut emprisonnée, une seconde entra dans la clandestinité quand une troisième partie rallia le nouveau régime. Le secrétaire du PC Syrien, Kaled Bakdach s’exila vers un pays socialiste. Cette situation difficile pour les partis communistes de la région pose la question plus générale de la position d’un parti communiste au sein d’un front uni anti impérialiste, front soutenu par le camp socialiste et de la position de ce camp socialiste face à la répression des militants communistes de ces pays et l’interdiction des partis communistes.
Cette fusion Egypte-Syrie fut de courte durée, les contradictions entre les milieux dirigeants se développent, les espoirs du peuple syrien sont douchés  et dès septembre 1961, la Syrie reprit son indépendance  en prenant le nom de République arabe syrienne.
En 1958, les espoirs des peuples de la région en une union contre l’impérialisme occidental provoquent une guerre civile au Liban avec une reprise en mains par un débarquement US, l’envoi de parachutistes anglais en Jordanie et une mobilisation turque à la frontière irakienne.
C’est en Irak que le mouvement populaire fut le plus puissant, une révolution met à bas le régime pro-occidental, le 14 juillet 1958, renverse la monarchie, exécute les dirigeants et dénonce le pacte de Bagdad mis en place par les USA. Une alliance entre des militaires, des partis nationalistes et le Parti Communiste Irakien se constitue sous la direction du Général Kassem qui refuse l’alliance avec Nasser pour appliquer une politique plus progressiste en s’appuyant sur l’URSS[10]. Malgré la force d uPC Irakien s’appuyant sur les ouvriers de l’industrie pétrolière, cette expérience révolutionnaire ne se développe pas, en partie du fait de la non solution de l’autonomie du peuple kurde d’Irak, et surtout du fait des divergences entre les militaires attisées par Nasser comme par l’impérialisme US. Un coup d’Etat le 8 février 1963 contre le général Kassem met un terme à cette expérience ; de plus, ce coup d’état commet des massacres anticommunistes.
Tous ces développements dans ces pays de la région sont évidemment suivis par Israël qui craint une union et un encerclement. Israël ainsi que l’impérialisme occidental se sont efforcés de miner cette alliance potentielle et y ont contribué.
 
Période  entre la « 2ème guerre arabo-sioniste de Suez » en 1956 et la « 3ème guerre arabo-sioniste de 1967 » :
Fondation du Fatah et d’autres organisations palestiniennes
L’aspiration à l’unité des peuples et des pays arabes,  déjà très forte à la fin des années 40, s’opposant au colonialisme, à l’impérialisme, aux régimes réactionnaires de la région et au sionisme, est encore plus forte après la défaite de 56. Ainsi, à propos de la Palestine et de la situation du peuple palestinien, la question qui est débattue est celle de l’orientation de la lutte autour des questions de l’unité arabe et de la libération de la Palestine que l’on peut résumer ainsi :  « L’unité arabe en vue de libérer la Palestine » ou « Diriger les fusils pour libérer la Palestine pourra unifier la nation arabe »
Durant la période 57-59, plusieurs groupements de résistance palestinienne se rapprochent et fondent clandestinement le 10 octobre 1959 au Koweït le Fatha, avec comme principaux dirigeants Yasser ArafatSalah Khalaf et Khalil al-Wazir, qui s’installe à Gaza. Parallèlement, le Mouvement des nationalistes arabes, parti de Beyrouth et actif dans tous les pays de la région, prônant le panarabisme et le socialisme, se transforme en le Mouvement National Arabe, se rapproche du marxisme, et fondera plus tard, en ce qui concerne la Palestine, le FPLP, le Front Populaire de Libération de la Palestine avec comme dirigeants, Georges Habache et Wadie Haddad.
Le projet politique du Fatah vise alors une « Palestine démocratique non confessionnelle » ouverte aux juifs, musulmans et chrétiens sans distinction d’ethnie ou de religion. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une lutte de libération nationale, et rompt avec  le projet d’union arabe dans laquelle la Palestine serait intégrée. Cette lutte contre l’Etat sioniste passe des mains des États arabes de la région aux mains d’une organisation palestinienne. Le mouvement insiste sur la distinction entre Juif et sioniste et lutte contre les sentiments antisémites qui habitent une partie de la population arabe palestinienne. Le Fatah appelle alors les fedayin à la lutte contre l'État d'Israël avec comme grand objectif de « libérer tout le territoire palestinien de l'entité sioniste »[11]. Le 1er janvier 1965, le Fatah déclenche la lutte armée contre l'État israélien en lançant des opérations de sabotage et de guérilla au nom de sa branche armée al-Assifa (« la tempête »).
 
Che Guevara à Gaza en 1959
Après la victoire de la révolution cubaine, Che Guevara entreprend en 1959 une visite de plusieurs pays d’Afrique et d’Asie afin de faire connaitre cette révolution et obtenir le soutien le plus large face à la politique agressive des USA. Ce voyage le conduit en Egypte et une visite de Gaza est organisée.
Che a visité Gaza le 18 juin 1959. Alors qu’il se rendait dans les camps de réfugiés palestiniens, les réfugiés l’ont accueilli avec des chants soutenant la révolution cubaine.
Selon les témoignages des contemporains au sujet de la visite, Guevara a déclaré aux réfugiés palestiniens qu’ils devaient continuer à lutter pour libérer leurs terres. « Il n’y a aucun autre moyen que la résistance à l’occupation », a-t-il dit. Il a admis que leur cas était « complexe » parce que les nouveaux colons juifs occupaient leurs maisons. « Le droit doit finalement être rétabli », a-t-il affirmé. Il a offert de fournir des armes et de l’entraînement, mais Castro voulait que cette aide soit coordonnée par Nasser.
Mustafa Abu Middain, chef du camp d’Al Bureij, a emmené Guevara visiter le camp et lui a fait constater la pauvreté et les difficultés des réfugiés. « Nous avons les pires cas de pauvreté » ; Guevara a répliqué : « Vous devriez me montrer ce que vous avez fait pour libérer votre pays. Où sont les camps d’entraînement ? Où sont les usines de fabrication d’armes ? Où sont les centres de mobilisation du peuple ? »
Guevara était accompagné par le général Caprera, expert en guérilla. Caprera a rencontré des leaders communautaires pour leur donner des conseils sur les méthodes de résistance. Guevara est devenu l’icône de la résistance palestinienne et de la lutte pour la liberté. Après la visite, Cuba a offert des bourses aux étudiants palestiniens, a accordé sa citoyenneté à des réfugiés palestiniens et a organisé de nombreuses conférences en faveur de la Palestine.
La visite de Che Guevara à Gaza en 1959 a été le premier signe de transformation de la colonisation sioniste en Palestine d’un conflit régional en une lutte mondiale contre le colonialisme. La libération de la Palestine devient une cause mondiale[12].
 
Fondation de l’OLP :
Sur cette toile de fond de l’activité des organisations palestiniennes naissantes, la Ligue des Etats arabes cherche à reprendre la situation en mains et impulse début 1964 la création du Conseil National Palestinien (CNP) lors d’une réunion qui rassemble  422 représentants des communautés palestiniennes de divers pays, notamment la Jordanie, la Cisjordanie, Gaza, la Syrie, le Liban, le Koweït, l’Irak, l’Égypte, le Qatar, la Libye et l’Algérie. Ces représentants ont été choisis pour refléter la diversité et les intérêts des Palestiniens dispersés dans ces régions.
Le CNP a été créé dans le but de représenter politiquement le peuple palestinien et de coordonner les efforts pour la libération de la Palestine. Lors de cette première réunion, le CNP a adopté la Charte nationale palestinienne, qui définissait les objectifs et les principes de la lutte palestinienne. Le CNP met en place l’OLP, l’Organisation de Libération de la Palestine, le 2 juin 1964, avec adoption de la Charte de l’OLP[13]. La branche armée, l’Armée de libération de la Palestine (ALP) de l’OLP est aussi créée. Signalons que le Fatah comme les « nationalistes arabes » palestiniens (futur FPLP) étaient absents au congrès de 1964.
A la tête de l’OLP est placé Ahmad Shukeiri, contesté car ne représentant pas toutes les tendances de la société palestinienne. Ce  politicien  au destin typique de l'intellectuel palestinien qui se met au service, selon la conjoncture, de tel ou tel État arabe fut mis de côté en 1967 lorsque les organisations palestiniennes du mouvement de libération nationale prirent en mains le destin de la Palestine après la défaite de 1967. Yasser Arafat prit la direction de l’OLP au nom du Fatah en 1969.
Dès le départ en 1964, il y avait des conflits internes au sein du CNP. Ces conflits étaient principalement dus aux divergences d’opinions sur la stratégie et les objectifs de la lutte palestinienne, à savoir divergence entre les factions plus modérées, qui prônaient des solutions diplomatiques, et les factions plus radicales, qui favorisaient une approche militaire pour la libération de la Palestine.
Mais aussi, plusieurs représentants palestiniens étaient sous la dépendance des dirigeants arabes des pays où ils étaient réfugiés et de ce fait, les divergences entre pays arabes parasitaient la politique de l’OLP.
Ces conflits internes ont entravé l’efficacité du CNP, mais ils ont également reflété la diversité des opinions et des approches au sein du mouvement palestinien. Il s’agit d’une première étape, difficile, de fondation du mouvement nationaliste palestinien.
En dehors de l’OLP, le Fatah développe des actions armées en 1964 à partir du Liban et aussi à partir de Cisjordanie contre des intérêts agricoles israéliens, ainsi que des sabotages. Cette même année, les responsables du Fatah nouent des relations avec des pays étrangers : avec l’Algérie, l’URSS, la Chine où Arafat se rend en mars 1964, et la Corée du nord.
 
La 3ème Guerre arabo-sioniste , oppose la coalition, Egypte, Syrie et Jordanie contre Israël ; cette guerre dure 6 jours entre le 5 juin et le 10 juin 1967, d’où ce nom de « guerre des 6 jours » donné dans les médias occidentaux[14].
La cause fondamentale de cette 3ème guerre est la lutte du peuple palestinien contre l’agression sioniste, contre l’occupation de la Palestine, et le soutien des peuples arabes de la région à cette lutte.
La lutte du peuple palestinien se développe, malgré des difficultés rencontrées provenant des dirigeants arabes. Ainsi, par exemple, fin 1965, les Etats arabes expriment leur hostilité au Fatah, notamment l’Egypte, la Jordanie et le Liban, inquiets des actes de résistance du Fatah plaçant ces États sous la menace d’Israël qui considère leur responsabilité comme engagée. En revanche, la Syrie, où est installé le Fatah, ainsi que l’Algérie, continuent à aider l’organisation. Depuis 1964, la situation se dégrade et la tension monte entre Israël et la Syrie autour de la question de l'eau (Israël puisant dans le lac de Tibériade et la Syrie détournant les eaux de certaines rivières  alimentant ce lac) et les incidents de frontières se multiplient. En 1966, les relations évoluent entre la Syrie et le Fatah. Yasser Arafat est emprisonné à la suite de la prise du pouvoir en février 1966 par les baasistes ; mais il est relâché et le Fatah obtient de la Syrie que ce pays continue à lui apporter son aide. En parallèle, le Fatah poursuit ses actions contre Israël à partir de la Cisjordanie, faisant alors partie de la Jordanie, en dépit de l’interdiction de la Jordanie faite au Fatah d’agir à partir de son territoire. Ces actes entrainent les représailles israéliennes contre la Jordanie. Le village de Samu en Jordanie, soupçonné de cacher des membres du Fatah est ainsi attaqué par l’armée israélienne le 13 novembre 1966. En 1967, en dépit de la prise de position du roi Hussein de Jordanie contre le Fatah, ce dernier poursuit ses attaques contre Israël à partir de la Cisjordanie, faisant craindre aux Jordaniens les représailles d’Israël.
Le cycle violence-représailles se poursuit entre la Syrie et Israël à l’été 1966. Cette tension débouche sur des affrontements lorsqu’en avril, des MIG-21 syriens et des Mirage israéliens s'affrontent sur la frontière. Le 7 avril 1967, l’aviation israélienne bombarde des positions syriennes, entrainant la riposte de l’aviation syrienne. Nasser décide de soutenir son allié syrien. Le 16 mai, plusieurs divisions égyptiennes se positionnent dans le Sinaï le long de la frontière israélienne et la remilitarisation du Sinaï par l’Egypte est planifiée, rejetant les clauses signées après Suez. Le 18 mai 1967, l'Égypte demande le retrait des observateurs des Nations-Unies à la frontière israélo-égyptienne présents en Egypte depuis 1956 (les effectifs de la FUNU, Force d'Urgence des Nations Unies,  ont beaucoup varié, passant de 6.073 en 1957 à 3.378 en 1967); et Israël décrète la mobilisation générale. Le 23 mai, Nasser impose le blocus du détroit de Tiran, qui contrôle le golfe d'Aqaba, seul débouché maritime d'Israël avec l'océan Indien et l'Asie.
Cette situation de tension conduit l’Egypte, qui souhaite garder la direction de la lutte contre Israël, à compléter une alliance militaire déjà signée en novembre 1966 avec la Syrie, par un accord avec la Jordanie le 1er juin 1967 et le 4 juin avec l’Irak. Le roi Hussein de Jordanie signe cet accord sachant qu’une guerre risque d’entrainer de la part d’Israël une riposte mortelle ; mais par ailleurs, rester neutre c’est prendre le risque d’une insurrection populaire en Jordanie qui balaierait le roi… Nasser, en grand matamore déclare : « notre objectif sera la destruction d’Israël. Le peuple arabe veut se battre ».
Mais ce que ni Nasser, ni les autres dirigeants arabes ne savaient pas , selon Shlomo Gazit, ancien chef du renseignement militaire israélien, c’est que en 1965, le roi du Maroc, Hassan II, avait fait enregistrer au profit du Mossad et du Shin Bet les travaux d’une réunion secrète des dirigeants arabes destinée à évaluer leurs capacités militaires, enregistrements qui montraient l'impréparation de l'armée égyptienne. « Ces enregistrements nous ont encore montré que d’une part, les états arabes se dirigeaient vers un conflit auquel nous devions nous préparer. D’autre part, leurs divagations sur l’unité arabe et l’existence d’un front uni contre Israël ne reflétaient pas l’unanimité réelle entre eux …Nous savions à quel point ils étaient peu préparés à la guerre. Nous avons conclu que le Corps des blindés égyptiens était dans un état pitoyable et qu’il n’était pas prêt au combat »[15].
Dans cette situation critique où le bruit des bottes est assourdissant, c’est Israël qui décide  de lancer la guerre alors que sur le plan diplomatique tous les pays européens, USA, URSS, essaient de trouver un compromis. L’occasion est trop belle pour Israël pour repasser à l’assaut et chercher à reprendre les positions qu’il lui avait fallues abandonner après la crise de Suez (Gaza, Sinaï). La cause principale de cette 3ème guerre arabo-sioniste est donc l’agression d’Israël.
Le 5 juin, Israël lance une attaque surprise contre l'Égypte puis attaque la Jordanie et la Syrie. En six jours[16], cette guerre-éclair permet à Israël de remporter une grande victoire militaire en détruisant le potentiel militaire des États arabes ; l’armée israélienne prend le contrôle du Sinaï jusqu'au canal de Suez, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie dont Jérusalem-Est et du plateau syrien du Golan. Ces territoires seront appelés « territoires occupés ».
 
De Gaulle et la guerre des 6 jours : dans le prolongement de la reconnaissance de la République Populaire de Chine en 1964, du discours de Phnom Penh, le 1er septembre 1966 qui critique la guerre menée par les USA contre le Vietnam et qui indique une volonté de la France de s’affranchir d’un suivisme avec l’impérialisme US, De Gaulle décide l’embargo concernant les ventes d'armes à Israël le 2 juin 1967 ; le 15 juin 1967, puisque c’est Israël qui a ouvert les hostilités, cet embargo est étendu à l’aide à l’armement atomique (les USA et l’Afrique du Sud prendront le relais comme nous l’avons déjà dit). Mais la France soutient la résolution 242 malgré ses ambiguïtés de formulation..
La réaction des pays arabes et le sommet de Khartoum :
Il faut presque 3 mois, malgré l’humiliation de la défaite, pour que les dirigeants des pays arabes, à l’exception de l’Algérie et de la Syrie critiquant les dirigeants arabes comme bourgeois responsables de la défaite, se réunissent lors du IVe Sommet de la Ligue arabe et définissent, face à la nouvelle situation,  une position politique commune à l'encontre d'Israël connue en tant que « triple refus de Khartoum ». C’est le sommet de Khartoum qui se tient du 29 août au 1er septembre 1967[17].
La résolution de Khartoum réaffirme l’unité du monde arabe qui s’engage à « liquider les séquelles de la guerre » et à récupérer les territoires occupés. Son troisième point proclame la « non reconnaissance d’Israël, le refus de la reconnaissance de cet Etat et de la négociation avec lui et la réaffirmation des droits du peuple palestinien sur son pays ».
Mais cette fermeté n’est qu’apparente ; nombre de dirigeants arabes privilégient l’action politique et diplomatique à la lutte armée en vue de retrouver les territoires perdus. L’Egypte cherche un soutien financier pour reconstituer ses forces armées. Le roi Hussein de Jordanie, avec l’aide des USA, cherche à nouer des contacts discrets avec Israël. Bien conscients de l’importance du pétrole pour les économies occidentales, un embargo sur les exportations de pétrole vers les alliés d’Israël est discuté, mais rapidement mis de côté. Le seul point d’unanimité est le refus que la troisième ville sainte de l’Islam, Jérusalem, soit occupée par Israël.
Israël, à l’issue de cette 3ème guerre arabo-sioniste, occupe la Cisjordanie et Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le Sinaï égyptien et le Golan syrien. Israël décide l’annexion de Jérusalem-Est par vote dès le 27 juin. L’étendue des conquêtes permet à Israël d’augmenter la superficie de son territoire d’un facteur quatre. Le Golan syrien représente un atout économique très important du fait qu’il constitue un château d’eau pour la région, en plus de sa position stratégique plaçant Damas à une distance de 60 km.
Israël débute sa politique de colonisation des territoires occupés, compliquant d’autant plus les possibilités de résolution du conflit. Israël et son armée se présentent comme invincibles aux yeux du monde et immédiatement des fermes-colonies sont implantées, y compris dans le Sinaï. Par exemple, une colonie de peuplement appelée Yamit s’installe dans le Sinaï et ne sera évacuée seulement qu’en 1982 lors du traité de paix israélo-égyptien.
Israël n’étant pas à une contradiction près, en 1967, Israël demande, à l’UNRWA de continuer ses opérations dans ce qui allait devenir les territoires occupés, Gaza, Jérusalem-Est, Cisjordanie. Israël, dans un premier temps veut consolider son pouvoir dans ces territoires et ne pas avoir à gérer les réfugiés, ce qui aurait été de son ressort. Mais en même temps, Israël critique l’UNWRA considérant les manuels scolaires comme « orientés ».
 
La Résolution 242[18] :
Rassurée par la réaction des pays arabes, la diplomatie internationale, active déjà avant l’agression israélienne, entre en jeu. Toutes les résolutions contenant l’imposition de sanctions à Israël, responsable du déclanchement des hostilités, sont bloquées et rejetées par le véto des USA. Finalement, sous les auspices d'une médiation américano-soviétique, le Conseil de Sécurité de l’ONU, après maints palabres, adopte le 22 novembre 1967une résolution à l’unanimité des membres de ce conseil : c’est la fameuse et sinistre résolution 242 qui prévoit le retrait israélien des (de) territoires occupés, formulation ambigüe comme on le verra, et l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre. Cette résolution ne sera jamais respectée par Israël, comme les résolutions précédentes depuis 1948 et les résolutions à venir…
Cette résolution est acceptée par l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Soudan, la Libye, le Maroc et la Tunisie. La fin de la solidarité arabe, proclamée à Khartoum le 1er septembre, « ni conciliation, ni reconnaissance, ni négociation »,  éclate au grand jour trois mois plus tard ! Mais cette résolution est refusée par l’Arabie saoudite, l’Algérie, l’Irak, le Koweït, le Yémen du Nord et du Sud, la Syrie et évidemment par les Palestiniens. L’URSS, comme la Bulgarie, membres du Conseil de sécurité, ont approuvé cette résolution.
Cette résolution 242 est, depuis et encore aujourd’hui, très souvent présentée comme « la solution à la question palestinienne ». Aussi, il est utile de la reproduire intégralement.
« Le Conseil de sécurité,
Exprimant l'inquiétude que continue de lui causer la grave situation au Proche-Orient,
Soulignant l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d'œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité,
Soulignant en outre que tous les États Membres, en acceptant la Charte des Nations unies, ont contracté l'engagement d'agir conformément à l'Article 2 de la Charte,
1. Affirme que l'accomplissement des principes de la Charte exige l'instauration d'une paix juste et durable au Proche-Orient qui devrait comprendre l'application des deux principes suivants :
a. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ; 
b. Fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de violence ;
2. Affirme d'autre part la nécessité
a. De garantir la liberté de navigation sur les voies d'eau internationales de la région ;
b. De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ;
c. De garantir l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique de chaque État de la région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées ;
3. Prie le Secrétaire général de désigner un représentant spécial pour se rendre au Proche-Orient afin d'y établir et d'y maintenir des rapports avec les États concernés en vue de favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes de la présente résolution ;
4. Prie le Secrétaire général de présenter aussitôt que possible au Conseil de sécurité un rapport d'activité sur les efforts du représentant spécial. »
Cette résolution 242 appelle plusieurs remarques :
  • Cette résolution entérine le partage de la Palestine, et plus précisément, du territoire de la Palestine mandataire. De plus, elle revient à accepter les frontières de la guerre de 1949 imposées par Israël aux différents pays de la régions par des accords d’armistice bilatéraux entre Israël et chaque pays de la région, et donc à officialiser les gains territoriaux par rapport aux frontières du plan de partage voté par l’ONU.
  • Il n’est même pas question « du droit à l’autodétermination des palestiniens » et encore moins de l’instauration d’un Etat palestinien !
Nous renvoyons à la lecture d’Henry Laurens[19] discutant cette résolution qui est, pour lui, « le texte de la résolution est un habile compromis entre les demandes des uns et des autres » …
Il a beaucoup été question des ambiguïtés dues au fait que les versions française et anglaise de la résolution donnent matière à des interprétations différentes. Mais normalement, les diplomates sont suffisamment bien formés pour empêcher ces ambiguïtés lorsqu’ils le veulent et les laisser lorsque cela les arrange. Il faut constater que les diplomates soviétiques en 1967 n’ont pas été les défenseurs déterminés des intérêts du peuple palestinien. De plus, aucune « résolution interprétative » n’a été adoptée afin de lever ces ambiguïtés…
Prolongeant la résolution 242 et face aux difficultés de l’application de cette résolution, en 1969, l’Union soviétique a proposé une initiative en cinq points pour le Moyen-Orient, visant à résoudre les conflits dans la région. Voici un résumé des principaux points de cette initiative 
  1. Retrait des forces israéliennes : L’URSS demandait le retrait des forces israéliennes des territoires occupés lors de la guerre des Six Jours en 1967.
  2. Reconnaissance des droits des Palestiniens : L’initiative insistait sur la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination.
  3. Garanties internationales : Elle proposait des garanties internationales pour assurer la sécurité et la souveraineté de tous les États de la région.
  4. Démilitarisation : L’URSS suggérait la démilitarisation des zones de conflit pour réduire les tensions militaires.
  5. Négociations sous l’égide de l’ONU : Enfin, l’initiative appelait à des négociations sous l’égide des Nations Unies pour parvenir à un règlement pacifique et durable du conflit.
Le mouvement de libération nationale palestinien et la résolution 242 :
Face à cette agitation diplomatique, le Fatha a été très clair et rejette cette résolution 242: « Le peuple de Palestine est déterminé à libérer son territoire par la lutte armée populaire ».
Cette position est la confirmation des résolutions  affirmées dès ses débuts : le mouvement national palestinien a fixé comme objectif à la lutte de libération nationale l’établissement d’un seul Etat palestinien laïc et démocratique sur le territoire de la Palestine mandataire. Cela correspond aux intérêts du peuple palestinien. C’est la ligne révolutionnaire du mouvement national palestinien. Mais dès le début aussi, et au fur et à mesure que ce mouvement s’est affermi, une autre ligne de compromis s’y est opposée, impulsée par des gouvernements réactionnaires de la région, de l’impérialisme et des gouvernements d’autres pays.
 
L’affirmation du mouvement palestinien de libération nationale
Une des conséquences de cette 3ème guerre arabo-sioniste a été une nouvelle vague de réfugiés palestiniens, de l’ordre de 300.000, allant grossir les camps de Jordanie : pour certains de ces réfugiés, ils étaient dans des camps en Cisjordanie depuis 1949 ; pour d’autres, ce sont des palestiniens de Cisjordanie qui sont refoulés en Jordanie par Israël. Cet exode est considéré comme la Naksa (la défaite).
Mais une autre conséquence, contradictoire, et qui aura des répercussions décisives pour la lutte du peuple palestinien, c’est que de nouveau la totalité de la Palestine retrouve une unification territoriale, mais sous la domination sioniste. Le peuple palestinien prend son destin en mains et la lutte est clairement une lutte de libération nationale guidée par un mouvement national.
Dès la fin de la guerre, Le Fatah organise la « lutte intérieure » sous forme de guérilla: « il établit des bases le long des frontières jordaniennes et libanaises, réunit des armes et organise des cellules de résistance dans les territoires et particulièrement en Cisjordanie ». Un millier de volontaires venant des camps des réfugiés et de la diaspora palestinienne en Europe rejoignent à cette époque les camps d'entraînement du Fatah tandis qu'Arafat s'installe, clandestinement évidemment, en Cisjordanie successivement à QabatiyaNaplouse puis Ramallah. Entre septembre et décembre 1967, le Fatah organise une soixantaine d’actions de sabotage. Mais la répression israélienne est implacable : près d'un millier de palestiniens arrêtés et près de 200 abattus.
Arafat quitte ensuite la Cisjordanie pour Karameh, en Jordanie, à moins de 10 kilomètres du point de passage entre la Jordanie et la Cisjordanie, où il établit son quartier général. Le village abrite également un camp d'entrainement des fedayins. Le Fatah gagne un grand prestige auprès de la population palestinienne lors de la bataille de Karameh en mars 1968. Les fedayins résistent pendant une journée à une offensive de blindés israéliens contre le camp palestinien de Karameh. L’armée israélienne perd plusieurs dizaines de soldats et de nombreux blindés, essuyant lors de ces combats l'un de ses principaux échecs jusqu’alors contre la guérilla palestinienne. Finalement, le Fatah résiste et garde la ville. Cette victoire a des répercussions énormes auprès de la population palestinienne réfugiée dans les camps et les rangs du Fatah grossissent évidemment, passant à plus de 3.000. En juillet 1968, lors du quatrième Congrès national palestinien, le Fatah, fort de ses succès, entre en force dans le CNP et dans l’OLP. La Charte adoptée en 1964 est amendée, l’accent étant mis sur la lutte armée afin de libérer la Palestine. Le Fatah est l’organisation la plus importante au sein de l’OLP, et Yasser Arafat en devient le président lors du cinquième Congrès national palestinien qui se tient du 2 au 4 février 1969. Mais les relations entre le Fatah et l’OLP sont souvent tendues, le Fatah étant partisan de l’action armée alors que certains membres de l’OLP ne voient que la possibilité d’une solution politique.
Nabil Shaath, un responsable du Fatah, affirme alors le caractère laïc de l’organisation : « la population de cette nouvelle Palestine inclura tous les Juifs résidents et tous les Palestiniens, qu'ils soient exilés ou soumis à l'occupation, qui choisiront de vivre en Palestine en acceptant un statut égal pour tous sans droits spéciaux ni privilèges. »
Parallèlement à ce développement du Fatah, en 1967,  le Front de Libération de la Palestine (FPLP) dirigé par Georges Habache, et se réclamant du marxisme, est fondé, émanation du Mouvement des Nationalistes Arabes. Ce groupe rejoint l'OLP en 1968 et devient le deuxième groupe par son importance après le Fatah. Le FPLP est considéré comme représentant la ligne dure du militantisme nationaliste palestinien, s'opposant à la position plus modérée du Fatah. Le mouvement milite pour une résolution du conflit israélo-palestinien fondée sur un seul État qui rassemblerait Arabes et Juifs sans considérations religieuses ou ethniques. La doctrine du FPLP s’exprime principalement par le rejet du sionisme et par la promotion du nationalisme palestinien, dans une perspective socialiste. En effet, l'idéologie du mouvement se fonde sur le marxisme-léninisme et le nationalisme arabe. Ainsi, le FPLP se décrit comme anti impérialiste, adversaire résolue de l'impérialisme occidental, et s'oppose au capitalisme et aux classes exploiteuses arabes. Le programme du FPLP n'a jamais fait de compromis sur des points clés tels que le renversement des États arabes conservateurs ou monarchistes, le droit au retour de tous les réfugiés palestiniens dans leurs foyers dans la Palestine d'avant 1948. Mais cette organisation connait des divisions. Ainsi, en 1968, Nayef Hawatmeh  s'éloigne du FPLP pour créer le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).
 
Comment comprendre et placer la lutte armée dans la stratégie du mouvement palestinien ? Les idées exprimées sont diverses, ce qui est le reflet de la complexité du problème.
Hisham Sharabi considère que c'est à partir des années 1960 que se construit sérieusement la « stratégie de lutte armée ». Selon lui, l'objectif du Fatah et des autres organisations palestiniennes affiliées, n'est pas d'atteindre une victoire militaire mais d'entretenir un conflit de longue durée. Cette approche visant à « épuiser par l'usure » les Israéliens en le conduisant à une « longue guerre populaire et une vietnamisation du conflit ». Selon Zeev Schiff, cette tactique se doublait d'un espoir que la pression de l'opinion publique arabe forcerait les Pays arabes à s'unir pour une « bataille décisive contre Israël ». En 1971, Nabil Shaath, écrit un article dans lequel il présente des « objectifs plus ambitieux » qui pourraient être atteints par l’exercice d'une pression sur l'opinion publique israélienne causée par « le fardeau d'un conflit de longue durée, son coût financier et en vies humaines qui convaincront les Israéliens à accepter des arrangements politiques répondant aux exigences palestiniennes ».
Salah Khalaf (Abou Iyad), l'un des fondateurs du Fatah, écrit dans un livre coécrit[20] avec Éric Rouleau, que bien que « les fondateurs du Fatah étaient conscients de la supériorité militaire israélienne ils ont maintenu comme objectif principal la lutte armée. Non pas que nous avions des illusions sur notre capacité à vaincre l’État sioniste mais nous étions convaincus que c’était le seul moyen pour imposer la cause palestinienne à l'opinion mondiale »
 
Conclusion :
En cette fin des années 1960, le peuple palestinien, instruit par les dizaines d’années de luttes contre le sionisme et contre l’impérialisme occidental, s’est doté d’organisations palestiniennes regroupées au sein de l’OLP reprenant le flambeau de la lutte de libération nationale des mains des dirigeants des pays arabes de la région qui avaient accaparé cette lutte. Le peuple palestinien est éclaté en différentes composantes, en Israël, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, à Gaza territoires occupés par Israël, dans les camps de réfugiés en Jordanie, au Liban, une diaspora dans différents pays, mais un peuple avec une très forte conscience de son appartenance. L’objectif de la libération de la Palestine et l’instauration d’un Etat dans les frontières de la Palestine mandataire est clair et la nécessité de la  lutte armée populaire prolongée est affirmée. Mais les obstacles sont nombreux et puissants : d’abord le sionisme avec l’Etat d’Israël et son mentor et le soutien résolu, l’impérialise US et occidental ; mais aussi les dirigeants réactionnaires des pays arabes cherchant à monnayer la cause palestinienne auprès des puissances impérialistes. Le soutien des peuples arabes de la région à la cause palestinienne est total. Le peuple palestinien et ses organisations doivent compter sur leurs propres forces. Cette lutte s’inscrit dans la lutte mondiale des peuples pour leur libération. Les dirigeants palestiniens doivent prendre en considération tous ces facteurs pour diriger la lutte de libération nationale. Ce sera le défi des années 70 et suivantes.
[1] Elias Sanbar : « La dernière Guerre ? » ; éditions Gallimard, 2024
[3] Benjamin Barthe, Le Monde, mercredi 10 janvier 2024
[4] Saïd Bouamama, « La Tricontinentale », éditions Syllepse, éditions  du CETIM, 2016 ; Arthur Comte, « Bandoung, Tournant de l’Histoire », Ed. Robert Laffont, 1965 : des informations à lire, malgré un colonialisme et un anticommunisme  primaires. 
[5] Le premier Congrès des peuples de l’Orient, éditions de l’Internationale Communiste, Pétrograd, 1921, réédition en fac-similé, François Maspéro, 1971
[6] Jalal Al-Husseini, dans Politique américaine 2010/3, N°18, pp.57 à 73
[7]  Joe sacco, Footnotes in Gaza ; Éditeur Jonathan Cape/libri, 2009
[9] https://Documents de l’ONU ; Art.98, Répertoire Suppl.2, vol III, (1955-1959)
[11] Le Fatah, la Révolution palestinienne et les juifs, Orient XXI, éditions Libertalia, 2021
[14]  Résistance et combats pour la libération nationale de la Palestine », page 33,  Tahyia Palestine, 2023
[19] Henry Laurens, Paix et guerre au Moyen-Orient, Armand Colin, 2005, p.249 et p.252
[20] Abu Iyad avec Eric Rouleau My Home, My Land, A narrative of the Palestinian Struggle, New York Times Books, 1981, p. 34,35
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